Le nouveau directeur de Marineland déclare qu’il travaille « dans le même sens que les associations »

Arnaud Palu, le nouveau directeur du parc Marineland - © F. Binacci/ANP/20 Minutes
Arnaud Palu, le nouveau directeur du parc Marineland – © F. Binacci/ANP/20 Minutes

  On l’attendait depuis le départ de son prédécesseur (Bernard Giampaolo, « muté » par Parques Reunidos à la suite des inondations d’octobre 2015). Qui allait reprendre la tâche fastidieuse de redorer l’image du Marineland d’Antibes auprès du public, et de redresser le chiffre d’affaire du parc ?
Ce dernier a en effet essuyé une année noire, entre le nombre de visiteurs déclinant, la construction à grands frais d’un hôtel flambant neuf (lourdement endommagé avant d’être suffisamment rentable), et la colère (bien légitime) de Dame Nature lors des inondations d’octobre 2015. Elles ont ravagé le parc à 90 % et l’ont contraint à garder porte close aux visiteurs (et aux journalistes) pendant plusieurs mois, occasionnant un manque à gagner important, auquel vient s’ajouter d’importantes pertes matérielles et animales. Outre les petits animaux terrestres de Kid’s Island, beaucoup de poissons et de tortues déclarés perdus,  c’est l’une des orques, vedettes du parc, Valentin, qui a trouvé la mort à la suite des évènements (un décès que Marineland se refuse toujours à lier aux inondations).

  Le nouveau directeur du Marineland se nomme Arnaud Palu. C’est un ancien cadre de Disneyland et de plusieurs entreprises de loisirs à Dubaï, où il était dernièrement le directeur général du Majid Al Futtaim Leisure & Entertainment, une société propriétaire d’un gigantesque mall avec pistes de ski intérieures, de domaines skiables et de parcs aquatiques pour enfants à Dubaï. Le groupe collabore également avec le Delphinarium de Dubaï, qui s’approvisionne en dauphins lors des captures sanglantes de Taiji et en Mer Noire. Des connexions nombreuses et inquiétantes.

  Arnaud Palu est donc un spécialiste de l’ « entertainement », un gérant rompu aux exigences des parcs d’attraction et de l’amusement public. Et la différence qui existe entre un roller-coaster et un mammifère marin n’est qu’un détail, puisqu’il s’agit avant tout de gérer un parc d’attractions, fussent-elles zoologiques.

  Pour la première fois depuis sa prise de poste, il s’exprimait dans les médias, préparant la ré-ouverture prochaine du parc, prévue pour le 21 mars 2016.
Le journal 20 Minutes l’interviewait le 2 mars. Analyse du discours du nouveau directeur du Marineland d’Antibes…

20 Minutes : Pourquoi avoir décidé ce changement de cap ?

Arnaud Palu : Notre prise de conscience a commencé il y a deux ans environ. Le monde avait changé et les attentes du public également. On intègre beaucoup plus de pédagogie.

  Deux ans plutôt, en 2014…. c’est précisément à ce moment-là que le documentaire Blackfish a été diffusé pour la première fois sur Arte et a commencé à faire vraiment parler de lui en France.
Le documentaire choc de Gabriela Cowperthwaite, primé meilleur documentaire à Sundance et salué unanimement par la critique, dépeint la morne vie de l’orque Tilikum (tristement célèbre pour avoir démembré sa dresseuse en plein spectacle et tué deux autres personnes), au SeaWorld d’Orlando (Floride). A travers ce récit et ceux d’autres agressions perpétrées par des orques captives sur leurs dresseurs (y compris au Marineland d’Antibes), le film dénonce les conditions de vie effroyables des orques en captivité, et les graves troubles psychologiques et physiques qui en découlent.
Si la compagnie SeaWorld s’est longtemps défendue de tout « Effet Blackfish », aujourd’hui, elle reconnait à contre-coeur l’existence pourtant évidente de lourdes conséquences : la société américaine a dégringolé en bourse après la sortie du film, jusqu’à afficher 84% de perte en 2015, et SeaWorld, autrefois star intouchable des familles et véritable institution aux USA, fait à présent partie du top 4 des entreprises les plus détestées par les américains.

  De son côté, le Marineland d’Antibes, seul delphinarium français à détenir des orques, a aussi été éclaboussé par la vague d’indignation envers les delphinariums que la diffusion du documentaire a provoquée en France. Mais, tout en se défendant ironiquement de tout lien avec SeaWorld, le parc a repris dans la foulée le refrain de son homologue américain. Non, le documentaire (qu’il ne considère d’ailleurs que comme une fiction) ne les concerne pas. Et les spectacles, qui sont vivement critiqués, sont « essentiels au bien-être des animaux ». Quand bien-même ces derniers ne sont rendus possibles que grâce à un conditionnement des animaux via la récompense alimentaire… et donc la faim. Des spectacles sur fond de musique rock’n’roll tonitruante, orchestrés par des soigneurs athlétiques et séduisants, une formule hollywoodienne encore défendue bec et ongles  il y a quelques mois.

Mais Marineland semble aujourd’hui frappé d’amnésie, et explique la refonte 2016 de ses spectacles par une volonté d’introduire « plus de pédagogie » au sein de ses murs. C’est effectivement le manque de réelle pédagogie qui est reproché au parc, et ce depuis des années, et Marineland s’en défendait farouchement jusqu’à l’annonce toute fraiche de la refonte de ses spectacles, comme dans ce dépliant de justification distribué au sein du parc aux visiteurs, ou dans ce quizz ludique et promotionnel diffusé sur le site web du quotidien Nice Matin (partisan historique du parc antibois).
Et il faisait bien de s’en défendre, puisque la loi les oblige à un devoir de pédagogie.
(Mais aussi à des obligations « en matière de sécurité des personnes et des animaux, de bien-être des animaux », ce qui questionne bien entendu non seulement la captivité elle-même ; mais aussi l’existence de la petting-pool de Marineland, ou « Rencontre avec les dauphins » où les visiteurs descendent dans le bassin des animaux, avec tous les risques que cela comporte ; et les questions soulevées par la construction du parc en zone inondable. En effet, la vague d’1,20 mètre qui a submergé le parc, heureusement vide de ses visiteurs, en octobre 2015, est déjà la cinquième catastrophe de ce genre a y avoir eu lieu.)

  Donc, si le virage pédagogique amorcé par Marineland est effectivement le fruit d’une logique (toute commerciale) de s’adapter aux nouvelles demandes du public, il s’agit avant tout d’une énième tentative pour sauver la face devant le flot sans cesse croissant de critiques émises par ce même public à l’encontre du parc.

 20 M : Quelles sont les principales transformations ?

AP : On enlève les spectacles pour proposer des « représentations ». Les hits sont remplacés par des compositions originales enregistrées avec un orchestre philharmonique en République Tchèque. Et il y aura beaucoup plus d’explications. Lorsque vous verrez, par exemple, un dauphin jaillir hors de l’eau, une vidéo vous démontrera que c’est un acte de chasse. Une équipe pédagogique a été également créée pour aller au-devant des visiteurs et engager un échange avec eux. Le but est qu’ils repartent avec un truc en plus. Il y a notamment des histoires fascinantes entre les soigneurs et leurs animaux.

  Changer la terminologie pour changer l’image est une technique de marketing basique. Il s’agit uniquement d’une pirouette linguistique, car une représentation est elle-même une forme de spectacle. Que la musique soit une musique de documentaire joué par un orchestre philharmonique et non plus un tube de Marvin Gaye ou de Kylie Minogue n’est également qu’un vernis de « sérieux » passé sur des acrobaties qui ne restent rien de plus qu’un numéro de cirque.
Arnaud Palu, dans une vidéo de la chaine promotionnelle du parc, Marineland TV, parle également de la pédagogie comme d’un « mot-clé (…) dans la période à venir »… pour indiquer tout de suite après, en premier lieu, que « les représentations sont basées beaucoup plus sur l’émotionnel. »
Rien de révolutionnaire donc, et une association de qualificatifs, pédagogie et émotion, pour le moins paradoxale et tout simplement hors-sujet.
Jon Kershaw (directeur animalier de Marineland) annonçait le premier, en novembre 2015, au micro de RTL que les nouveaux spectacles seraient un « produit » « moins show ». « On va éliminer des choses du spectacle qui ne servent à rien : […]passer dans un cerceau, ce genre d’activité, c’est fini. Nous allons éliminer tout le côté show-biz, ce n’est plus du spectacle, c’est une présentation de l’animal, remplie d’émotions et d’informations. » précisait-il alors.

Cependant, ce qu’Arnaud Palu décrit à 20 Minutes comme « un acte de chasse » (« un dauphin jaillir hors de l’eau ») n’est en captivité qu’un comportement conditionné par les dresseurs et effectué sur demande, même si sur les écrans géants du bassin de spectacle « une vidéo » (probablement de dauphins qui ont, eux, la chance de pouvoir encore s’ébattre en toute liberté) tentera de « démontrer » le contraire.
Ce conditionnement est entrepris dès le plus jeune âge, comme expliqué dans cette autre vidéo de Marineland TV, en 2011, présentant la jeune delphine Nala, âgée de dix mois : « Maintenant qu’elle a commencé à manger [du poisson], on va commencer à lui faire comprendre le sifflet. Chaque fois que l’on siffle, pour elle ça va être une récompense » explique sa dresseuse. C’est tout simplement le principe du conditionnement dit « chien de Pavlov ».

  En outre, en milieu naturel, et comme la plupart des prédateurs (y compris nos chiens domestiques), les cétacés, qui sont des animaux extrêmement sociaux et donc joueurs, ne jouent et ne « bondissent » qu’après avoir assouvi leur faim, lors de séances de sociabilisation entre congénères (ou parfois lors de rencontres avec d’autres espèces de cétacés). Et les comportements lors de ces séances spontanées en milieu naturel n’ont rien à voir avec ceux demandés dans les delphinariums, comme effectuer des tours de bassins debout sur la caudale, remorquer un dresseur, le pousser hors de l’eau, agiter une nageoire pour saluer le public… ou sauter à travers un cerceau.

  Concernant les « histoires fascinantes entre les soigneurs et leurs animaux » mentionnées par Arnaud Palu, nul doute que les équipes du Marineland se garderont bien d’évoquer les nombreuses attaques (parfois mortelles) des animaux envers leur dresseur. Au Marineland d’Antibes, en 2008, l’orque Freya se laissa tomber de tout son poids sur son dresseur, en plein spectacle. Quelque années avant, en 2001, elle avait attaqué un autre dresseur, John Hargrove, le saisissant dans sa gueule à plusieurs reprises.
Avant elle, à la fin des années 70, Kim attrapa son dresseur et le garda un long moment sous l’eau. Parmi les attaques déclarées, les plus récentes :  Valentin (en 2008) attaque également un dresseur, tout comme Wikie (sa demi-soeur) en 2009. Wikie est toujours vivante, utilisée comme reproductrice et performeuse dans les spectacles.
Sans oublier Shouka, née au Marineland et arrachée à sa famille pour être transférée dans un parc mexicain, qui se jeta de façon répétée sur sa dresseuse en 2012, en plein spectacle.
Aujourd’hui, les dresseurs n’ont plus le droit de se trouver dans l’eau avec les orques, même si à l’époque de l’accident de Dawn Brancheau (que l’orque Tilikum démembra en plein spectacle) qui fit grand bruit et motiva une décision de justice interdisant le « water-work », Jon Kershaw (directeur animalier du Marineland) minimisait avec désinvolture la dangerosité de cette pratique.

  Concernant le lien qui unit dresseurs et animaux, le même Jon Kershaw confiait dans une interview accordée au journal Libération en Juillet 2012 : « le dauphin n’éprouve strictement aucune affection pour l’homme, tout au plus a-t-il une préférence pour tel ou tel soigneur. »

  Dans ces conditions, on ne peut que s’interroger sur les « histoires fascinantes entre les soigneurs et leurs animaux » qui seront racontées au public lors de la visite du parc.

20 M : Les mouvements des différentes associations de défense des animaux vous ont-ils encouragé à faire ces modifications ?

AP : Non, mais il est nécessaire d’engager le dialogue. Je les rencontrerai une par une, à partir du moment où tout le monde peut exposer son point de vue dans le respect. Il y a eu des débordements, des attaques personnelles que nos animaliers ont très mal vécus. Étrangement, Marineland et anti-Marineland, nous allons dans la même direction, pour la protection de l’environnement.

  Si le nouveau directeur a effectivement pour projet de rencontrer chacune des associations de défense des animaux luttant contre la captivité des cétacés, il ne fait nul doute que la proposition sera acceptée avec enthousiasme. Ce serait en effet une première, car même lors des inondations d’octobre, les portes du parc sont restées fermées aux militants, décidés à enterrer la hache de guerre devant l’urgence de venir en aide aux animaux.

  Quant aux « débordements » et aux « attaques personnelles », elles ne sont certainement pas du fait des associations et des collectifs, qui ont toujours souligné qu’elles ne condamnaient pas les employés du Marineland, mais leur patron. Parmi les militants anti-captivité, on compte d’ailleurs bon nombre d’anciens dresseurs, dont les témoignages éclairés sont précieux. John Hargrove (ancien dresseur en chef à SeaWorld et au Marineland d’Antibes) et Ric O’Barry (ancien dresseur des dauphins de la série TV Flipper et de l’US Navy) étaient tous deux présents à la manifestation de Juillet 2015, sur invitation des associations organisatrices.
L’ancien directeur du Marineland, Bernard Giampolo, était par contre moins délicat avec les militants anti-captivité. Cinq jours après les inondations, il se montrait condescendant et méprisant envers ceux-ci, initiant un mouvement de protestation sur Facebook : « Marineland : on n’est pas que des pseudos ! »

  Mais le nouveau directeur, Arnaud Palu, semble, lui, bien décidé à ouvrir une porte. Porte qui se referme aussitôt quand le directeur ajoute que « Marineland et anti-Marineland, [vont] dans la même direction, pour la protection de l’environnement. » Déclaration fumeuse qui a bien du mal à tenir face au scandale des récentes accusations de pollution de l’environnement auxquelles le parc est confronté. (Synthèse détaillée ICI)

20 M : Eux demandent que les animaux sortent de « ces prisons », en parlant de vos bassins…

AP : Les animaux qui sont nés en captivité, on ne peut pas les mettre dans un environnement naturel. Ça a été essayé à plusieurs reprises et ce n’est pas possible. Ce que nous pouvons faire, c’est donner un rôle à ses animaux, pour ce qu’ils sont, c’est-à-dire des ambassadeurs de leurs congénères, dans un souci de préservation.

  Le nouveau directeur semble avoir pris quelques marques, en matière de communication « Made In Marineland » : il flirte ici avec une manoeuvre fréquemment employée par les services de communication du parc : la technique dite « de l’épouvantail », qui consiste à attribuer des propos faux ou déformés à son interlocuteur pour pouvoir le décrédibiliser. Marineland n’a de cesse de prétendre que les opposants à la captivité veulent simplement « relâcher les animaux en liberté ». La réalité est différente.
Des programmes de réhabilitation des orques captives en milieu naturel, de longues procédures menées par des spécialistes des cétacés libres et d’anciens dresseurs, tous fermement opposés à la captivité, sont en cours d’élaboration. Pour les animaux qui ne pourraient malheureusement pas être réhabilités, les militants anti-captivité réclament à défaut des sanctuaires marins, qui seraient réalisés en collaboration avec les delphinariums, et où les animaux pourraient profiter de larges espaces de vie sécurisés en pleine mer. Espaces dans lesquelles ils pourraient enfin jouir d’une retraite loin des spectacles, des inséminations artificielles et de l’eau chlorée des bassins ridiculement petits.

  S’il est vrai que la totalité des animaux captifs ne pourraient pas forcément être réhabilités en milieu naturel, Arnaud Palu semble curieusement bien mal informé sur le sujet. Car des exemples de réhabilitions de cétacés réussies, il y en a plein.
Ric O’Barry, seul ou avec sa fondation, le Dolphin Project, a entrepris avec succès de nombreuses réhabilitations de dauphins, et ce depuis de nombreuses années (il a libéré son premier dauphin en 1970, mais d’autres avaient entrepris de réhabiliter des dauphins… dès les années 1960). Ric O’Barry lui-même a perdu le compte de toutes les réhabilitations réussies.
Concernant les orques, il n’existe pour l’instant qu’un exemple. Keiko, star du film « Sauvez Willy », a suivi un programme de réhabilitation dans les eaux d’Islande et de Norvège.
Les delphinariums soutiennent que sa réhabilitation fut un échec : Jon Kershaw (directeur animalier du Marineland d’Antibes) affirmait en juillet 2015, dans un reportage de France 3 que Keiko était mort de faim. Cette affirmation, bien que souvent répétée, est fausse : Keiko a vécu plusieurs années en pleine mer, en se nourrissant seul et en se mêlant à des orques sauvages. Il est bien mort, entouré de ses soigneurs, mais d’une pneumonie, et après 5 années de vie en mer.
(L’histoire de la réhabilitation de Keiko, en détails, ICI)

  Concernant le rôle d’ « ambassadeurs de leurs congénères » joués par les cétacés détenus en captivité, si telle était effectivement leur utilité dans le début du développement des delphinariums, il y a des dizaines d’années, cette justification de leur maintien en captivité est aujourd’hui obsolète. Le public en sait assez sur ces animaux pour comprendre que seule la vie sauvage est adaptée à leurs besoins vitaux.
D’autre part, par une cruelle ironie, les captures de cétacés ont été réglementées à partir des années 1970, quand la trop forte demande des delphinariums en cétacés frais a commencé à devenir une réelle menace pour les populations vivant en liberté. Les captures ont été directement relancées, et sont toujours entretenues, par l’industrie de la captivité elle-même.
(Voir à ce sujet cet article très complet et détaillé)

20 M : Est-ce à dire que vous limiterez les prochaines naissances et les arrivées de nouveaux animaux ?

AP : Toutes les naissances qui ont eu lieu dans le parc, à l’exception d’une seule qui est le fait d’une insémination artificielle pour une orque, sont naturelles. Et plus aucun animal n’a été pris dans son milieu naturel depuis 1989. Mais dans un souci toujours pédagogique, nous pourrions être amenés, à l’avenir, à introduire des animaux supplémentaires dans le respect des règles internationales. Même s’il n’y a aucun projet immédiat en ce sens et que ce n’est pas arrivé depuis cinq ans avec nos deux ours blancs.

  La question des naissances qui ont eu lieu au sein du Marineland d’Antibes est pour le moins épineuse. La communication officielle du parc à ce sujet est souvent vague. Et pour cause.
Une seule orque serait donc née d’une insémination artificielle. Il est sans doute question de Moana (fils de Wikie et d’Ulyses, une orque mâle du SeaWorld de San Diego), en 2011, puisque Marineland a beaucoup communiqué dans la presse sur cette « réussite », alors même que Wikie mit bas pour la première fois à 12 ans (contre 14-15 ans en milieu naturel), après avoir probablement subi plusieurs inséminations artificielles ratées, encore plus précocement. Le choix du nom du nouveau-né fit même l’objet d’un jeu-concours organisé par Marineland, ce qui explique qu’il ait gardé le nom féminin choisi par les internautes, même après que les équipes du parc s’étaient rendues compte qu’il s’agissait en fait d’un mâle.
Mais alors qu’en est-il de Keijo, mis au monde par Wikie en 2013 (soit seulement deux ans après, avant même que Moana ne soit plus dépendant de sa mère) ? Marineland le déclare de père inconnu, ce qui est pour le moins surprenant dans un parc zoologique d’où les animaux ne peuvent s’échapper pour aller se reproduire au gré de leurs vagabondages. L’hypothèse la plus probable et évidente est que Valentin, le demi-frère de Wikie (ils ont tous deux pour père Kim II), aujourd’hui décédé, en serait le géniteur. En effet, Valentin était le mâle dominant du bassin (fils de la matriarche Freya), et il tournait beaucoup autour de Wikie.
Si Marineland se garde bien de diffuser cette information, c’est parce qu’une reproduction incestueuse n’a rien de naturel. Les comportements incestueux, qui n’existent qu’en captivité, sont une manifestation directe d’une des nombreuses déviances que celle-ci entraine.
Non seulement les naissances de cétacés qui ont eu lieu au sein du parc n’ont absolument rien de naturel, mais elles cachent une longue liste sordide d’inséminations artificielles répétées et de nombreuses fausses couches. Wikie est donc la seule orque du Marineland d’Antibes à avoir été inséminée artificiellement… avec succès.
Elle serait d’ailleurs à nouveau pleine, fécondée par le sperme de Tilikum (une orque pourtant psychotique et plusieurs fois meutrière) durant l’été 2015, d’après une source interne. Tilikum est détenu par le SeaWorld d’Orlando, en Floride. On imagine mal Wikie prendre un billet d’avion pour aller rendre visite à son « amoureux » aux USA.
L’identité du géniteur n’a certes pas été confirmée, mais Wikie ne partage plus son bassin qu’avec ses deux fils, Moana et Keijo, et son demi-frère Inouk. Et si cette nouvelle gestation n’est pas le fruit d’un accouplement incestueux avec ce dernier, elle est forcément le résultat d’une fécondation artificielle.
Dans les deux cas, la situation est bien loin d’être naturelle.

  Concernant l’autre point épineux, les captures, le discours habituel du Marineland d’Antibes semble avoir légèrement changé. Il était pourtant encore martelé dans ce petit quizz promotionnel paru en août 2015 dans le journal Nice Matin : « la capture de delphinidés est interdite en France depuis 1970 ».
Ce n’est pas anodin : dans l’esprit du public, l’amalgame se fait : Marineland ne commandite plus de capture de cétacés depuis 1970.
Or, le parc fut créé précisément à cette époque. Comment expliquer la création d’une entreprise de cette ampleur à une date où le remplissage des bassins allait sérieusement se compliquer ?

  On sait que l’origine des animaux transférés est souvent douteuse. Dans le documentaire A Fall From Freedom, on découvre que dans les années 1970 justement, SeaWorld commandita des captures discrètes, cacha les animaux pendant parfois des années, tout en négociant avec les organismes gouvernementaux la permission d’importer des animaux déjà capturés pour la reproduction, en indiquant leur provenance comme inconnue. En 1987, une tentative de capture fut démasquée par l’ONG de protection des océans Sea Shepherd. Au début des années 80, un bassin fut financé et construit par SeaWorld en Islande à Seydisfjordur, d’où les orques étaient expédiées, notamment en Europe.
Dans cet article sur les orques d’Antibes, on découvre que la plupart des orques qui ont été détenues au Marineland, furent capturées en Islande par SeaWorld avant leur transfert à Antibes… vers la fin des années 70 ou au début des années 80, soit après la mise en vigueur des lois françaises et américaines réglementant les captures, que la communication du parc ne cesse pourtant de mettre en avant. Ces lois furent d’ailleurs instaurées à cause de l’augmentation des captures, dues aux ouverture de parcs de plus en plus nombreuses.

  Arnaud Palu évoque justement la « réglementation internationale » dans le projet éventuel d’ « introduire des animaux supplémentaires », ce qu’il n’exclut pas « à l’avenir ».
Les liens qu’entretient le nouveau directeur et son employeur Parques Reunidos avec Dubaï ont de quoi inquiéter à ce niveau.
En effet, le Delphinarium de Dubaï collabore avec Majid Al Futtaim Finance LLC qui est le précédent employeur d’Arnaud Palu… et les dauphins de Dubaï sont tous issus de captures récentes en milieu naturel, notamment à Taiji.
Ces captures sanglantes à Taiji, et les « drive fisheries » en général, ont pourtant été officiellement condamnées par le Marineland d’Antibes, devant l’indignation de l’opinion public émue par le sort des dauphins massacrés.
(« The Cove, My friend is… » , une vidéo poignante, à voir, sur ce qui se passe tous les ans dans la baie de Taiji)
Outre les pays du Golfe, les nouveaux delphinariums se développent de plus en plus en Russie, qui s’est lancée depuis quelques années dans une frénésie de captures d’orques, dont certaines ont déjà été expédiées vers des parcs d’attraction en Chine. Ce nouveau vivier de captures de cétacés se trouve aujourd’hui dangereusement proche des delphinariums européens, la logistique et les « lois internationales » moins regardantes facilitant les transferts entre delphinariums.

  Les lois réglementant la capture et le transfert des cétacés sont aujourd’hui nombreuses, mais parfois floues et souvent contradictoires.
Le mois dernier, en février 2016, un amendement a été soumis au Sénat concernant les delphinariums français, dans le but de durcir la législation déjà existante ( mais facilement contournable, nous l’avons vu). Un amendement qui n’a pas été adopté, mais qui a le mérite d’ouvrir une porte, et de témoigner du rayonnement de l’opinion publique jusque dans les sphères législatives. Une opinion publique qui ne penche clairement plus du côté de l’existence actuelle des delphinariums.
(Détails de la séance au Sénat et décryptage ICI)

Si aujourd’hui, et depuis la mort de Freya au début de l’été 2015, Marineland ne détient plus aucune orque capturée en milieu naturel, nulle doute que l’entreprise ne fait pas preuve d’autant de transparence qu’elle souhaite le faire penser.
Sans compter qu’il reste encore 3 dauphins issus des captures dans les bassins à spectacles : Sharky et Lotty (capturées en Floride en 1983), et Malou (capturée à Cuba en 1985).

Rendez-vous fin mars, Monsieur le Directeur !

  Le Marineland d’Antibes ré-ouvrira donc ses portes le 21 mars, avec une « nouvelle » formule (qui sent tout de même un peu le réchauffé), et à sa tête un nouveau directeur, Arnaud Palu. Le nouveau chef du Marineland annonce qu’il est « nécessaire d’engager le dialogue » entre le parc et ses détracteurs, et assure vouloir rencontrer les associations de défense des animaux, une à une.
Cela tombe très bien, puisqu’une manifestation est organisée le week-end suivant la ré-ouverture du Marineland d’Antibes, devant le parc.  Seront présents bon nombre de collectifs et d’associations, ainsi que quantité de particuliers de tous horizons. Une bonne occasion pour les « nouvelles équipes pédagogiques » du Marineland d’Antibes d’engager le dialogue avec un public passionné des animaux, et particulièrement des cétacés, et toujours soucieux d’accroitre leurs connaissances sur ceux-ci. Des stands d’information seront d’ailleurs tenus par plusieurs associations et collectifs à cette occasion.

  La manifestation est organisée par le collectif Sans Voix PACA, et se tiendra à proximité du Rond-Point des Groules, le dimanche 27 mars, de 14h à 17h.
Page Facebook de l’évènement

  Rendez-vous donc le 27 mars !


Mise à jour

L’orque Tilikum, qui était détenu au SeaWorld d’Orlando (Floride), est mort le 6 janvier 2017.
Déclaré malade par les équipes du parc depuis mars 2016, il a passé presque toute une année à lutter contre une infection des poumons, d’origine bactérienne, (d’après les équipes du parc) avant de s’éteindre, loin des siens, dans sa prison de béton.
Tilly a été capturé dans les eaux islandaises à l’âge de 2 ans, arraché à sa famille alors qu’il n’était encore qu’un bébé. C’est plus de 30 longues années qu’il aura passé au sein de différents parcs, la captivité et les mauvais traitements le rendant psychotique. Il fut placé à l’isolement sous camisole chimique après avoir tué et démembré sa dresseuse.
Toute la presse a relayé la nouvelle de la mort de l’orque.
Quelques exemples :
Le Huffington Post
Le Monde
Libération
Le Parisien
L’Obs – Temps Réel

L’existence misérable de Tilikum est contée dans le documentaire Blackfish, primé à Sundance en 2013. Ce documentaire de Gabriela Cowperthwaite a attiré l’attention de l’opinion public sur les conditions de détentions de cétacés dans les parcs, et a été le point de départ d’un raz de marée qui ne cesse de croître et de submerger ce business autrefois lucratif.
La mort de cette figure emblématique a relancé plus que jamais le débat sur la captivité des cétacés, et sur leurs conditions de détention.


5 réflexions sur “Le nouveau directeur de Marineland déclare qu’il travaille « dans le même sens que les associations »

  1. On est ravi d’apprendre, au détour d’une biographie de Roland DE LA POYPE, fondateur du Marineland, décédé en 2012 à l’heure de l’épineux problème du 6e ‘continent-plastique’, sa fameuse ‘oeuvre’ en faveur des océans et de ses habitants (?!)
    cf https://fr.wikipedia.org/wiki/Roland_de_La_Poype
    <>
    Cela fait réellement sursauter quand Arnaud Palu prétend sans sourciller, profitant pourtant directement de cet investissement de capitaux industriels lourd de conséquences pour l’environnement, « travailler dans le même sens que les associations ». Cela fera sans doute également très plaisir à Sea Shepherd qui dénonce cet envahissement des mers et la destruction de la faune marine (mécaniquement, par étranglements corporels et saturations voire blocages digestifs d’emballages innombrables*, biologiquement via l’adsorption de polluants par les micro-plastiques), en plus d’organiser des séances de plongées bénévoles à quelques encâblures du Marineland pour débarrasser les fonds des filets fantômes et autres déchets humains, bien plus préoccupants que les vagues nettoyages de plages à la sauce Fondation Marineland que tout un chacun peut pratiquer en se baladant.
    (*) https://cetacesetfaunemarine.wordpress.com/2016/01/02/une-orque-echouee-sur-une-plage-dafrique-du-sud/
    IW

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  2. Monsieur, vous n’êtes toujours pas décidé à fermer ce mouroir?????? Le conditions de captivité sont inacceptables, la maltraitance sur les cétacés pour en faire des clowns, vous refusez de l’admettre, vos musiques de foires ne les dérangent pas????? Un ours doit vivre à 40 degrés au soleil???? Vous avez construit votre mouroir sur une zone rouge inondable , alors arrêtez d’y mettre des animaux, et faites en un cinéma 3D, là, vous serez intelligent ! Et arrêtez de dire que vous abondez dans le sens des « anti », ce n’est que tissu de mensonge ! Allez, je vous souhaite une énorme perte de chiffre d’affaire, les « humains » réfléchissent ! Au fait, pourquoi sur votre page facebook vous faites effacer les commentaires n’allant pas dans votre sens??????

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